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Laila in Haifa

Le jeudi 02 septembre 2021, par Laurent Sapir
À la recherche de son Israël rêvé, Amos Gitaï nous invite avec "Laila in Haifa" dans un club ultra-métissé de sa ville natale. L'utopie aurait mérité des personnages plus consistants.

"Je pensais que tu serais plus jeune ", lui balance-t-il, goguenard. Et elle de rétorquer: "Je pensais que tu serais plus juif ". C'est au Fattoush, un club d'Haifa où l'on peut encore voir se croiser les deux camps, qu'a lieu cet échange savoureux entre un rappeur arabe tenté par un blind date et une cougar israélienne. Drôle d'endroit pour des rencontres. Le Fattoush fait aussi office de galerie d'art et de boîte gay. Un chemin de fer est situé juste à côté. Mondains, activistes, touristes, travestis... S'il y a bien un réalisateur qu'un tel brassage stimule dans un pays comme Israël, c'est forcément Amos Gitaï.

Comme dans Un tramway à Jérusalem, le voici donc entrelaçant autour de cinq personnages féminins plusieurs destins dans un film/mosaïque au parfum d'utopie. Au regard des crispations qui n'ont cessé d'abîmer tout un pays ces dernières années, le Fattoush est un oasis de connexions en tout genre, une sorte d'Arche de Noé au milieu des replis. On y danse, on s'y cultive. Le désir circule, comme les amertumes (sentimentales ou politiques...), mais au moins il y a du flux, des sens en éveil, des mélanges.

Alors que ce retour dans sa ville natale était censé le booster, la mise en scène léchée d'Amos Gitaï peine malheureusement à en traduire tous les frissons et les bourdonnements. Si elle fait la part belle à un remarquable travail de photographie sous la houlette d'Eric Gautier, la vocation chorale de l'ensemble bute sur des personnages de bobos dont la vérité intérieure nous indiffère, à l'image de ce photographe israélien bien engagé à gauche, semble-t-il, mais dont les poses mutiques sont à la limite de la préciosité.

Même la jeune passionaria palestinienne voit sa capacité d'attraction rapidement limitée. Le film achoppe aussi sur des dialogues tour à tour abscons et emphatiques. Trop de hype dans ce Laila in Haifa... Pour sauter par-dessus les murs qui figent et séparent les peuples, un autre creuset, tout aussi noctambule mais peut-être moins branchouillet, aurait peut-être mieux convenu.

Laila in Haifa, Amos Gitaï (Sorti en salles ce 1er septembre)

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