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La Main de Dieu

Le samedi 18 décembre 2021, par Laurent Sapir
Entre comédie et drame, Paolo Sorrentino propose son album de jeunesse à Netflix, du temps où un certain Maradona, alias "La Main de Dieu" enflammait Naples. On n'est pas très loin du hors-jeu.

Voir Naples et rajeunir. Sur Netflix, Paolo Sorrentino se souvient de ses années 80, quand Maradona mettait la ville en transe après avoir été recruté par le club local tout en vengeant les Argentins après la Guerre des Malouines grâce à son fameux but marqué avec le poing (d'où l'expression "la main de Dieu") contre les Anglais. Un drame met brutalement fin à cette période d'insouciance: l'ado du film perd ses parents, intoxiqués au monoxyde de carbone. Seul le cinéma et la perspective d'en faire son métier lui permettront de rester debout.

Ce déconcertant changement de registre en plein milieu du récit aurait nécessité une dextérité et une inventivité qui ne sont malheureusement pas au rendez-vous. Dans la première heure du film, Sorrentino s'épuise à imiter et à caricaturer Fellini sans marquer le moindre décalage, contrairement à ses œuvres précédentes. Créatures plantureuses, silhouettes picaresques lors des réunions de famille, clichés en rafale, à commencer par la tante vaguement nympho qui stimule l'éveil sexuel de l'ado avant de finir internée parce qu'elle n'a pas d'enfant... Regard sans finesse, faisant la part belle au vulgaire et à l'incongru.

La deuxième partie touche davantage, bien qu'elle comporte également son lot de séquences gênantes. L'échange avec le cinéaste viriliste, par exemple, qui conseille au jeune homme d'aller de l'avant et de ne pas "se déliter ". Le môme vient de perdre ses parents et l'autre l'exhorte à ne pas se déliter.... Le versant intimiste, à vrai dire, ne convient guère à Paolo Sorrentino. On sent trop la posture alors qu'elle était paradoxalement moins manifeste à travers les arabesques visuelles et l'effusion baroque de La Grande Bellezza et de Youth ?

D'autres hiatus, encore, par rapport à La Grande Bellezza. Qu'est-il arrivé à Toni Servillo, chaloupant autrefois avec tant d'élégance dans le néant des nuits romaines, pour jouer de façon aussi pagnolesque le père du jeune homme ? Naples n'est guère mieux explorée. Autant l'ancienne stripteaseuse retirée du monde incarnait le grand peuple romain dans La Grande Bellezza, autant Naples, cité-monstre, peine ici à trouver son âme au travers de personnages forts, et ce ne sont pas les creuses cartes postales maritimes et autres plongées nocturnes sur la cité napolitaine qui donnent le change.

La main de Dieu, Paolo Sorrentino, actuellement sur Netflix.

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