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La légende de nos pères

Le mardi 06 octobre 2009, par Laurent Sapir

Du dénonciateur au faussaire, Sorj Chalandon commence à prendre la belle habitude de magnifier des personnages qui, sous une autre plume, auraient quelque chose de tellement moins reluisant. Après les désillusions irlandaises de "Mon Traître ", ce sont donc les souvenirs étrangement imprécis d'un vieux résistant qui sont au coeur de "La légende de nos pères "... L'homme s'appelle Beuzaboc. Sous la pression de sa fille, il accepte de se confier à un biographe professionnel lui-même hanté par une autre histoire de Résistance, celle de son père parti trop tôt et qui s'est bien gardé, lui, de raconter ses exploits. Beuzaboc a effectivement toute la prestance qui sied à ses rides pour devenir, aux yeux de son biographe, un père de substitution.

Le problème, c'est que les souvenirs de l'ancien soldat de l'ombre ne sonnent pas juste... Le problème, c'est que le doute s'insinue peu à peu, sur fond de canicule,  dans le face-à-face entre le vieux résistant et son confesseur... Le vrai problème, surtout, c'est que le lecteur ne parviendra jamais à le détester ou à le mépriser, ce Beuzaboc au regard d'acier, jusqu'au bout dominateur, alors même que l'authenticité de ses souvenirs se lézarde au fil des pages.

C'est cette part de lumière dans les ténèbres d'une mystification qui transcende la plume de Sorj Chalandon, cette part de lumière qui entraîne un vieil homme à réécrire son histoire, non pas pour se faire mousser, mais pour mieux transmettre à sa fille la vraie Histoire, avec une majuscule... " Il avait recueilli des éclats de vaillance et choisi des bravoures qui n'étaient pas les siens. Il avait volé quelques hommes, s'était glissé dans la peau de l'un, le courage de l'autre, la douleur du troisième, pour les ramener tous les trois à la vie. Il n'était pas la somme de leurs renoncements, mais l'addition de leurs courages".

Au terme de ce récit extraordinairement épuré, Sorj Chalandon peut désormais se prévaloir  d'une véritable marque de fabrique: pudeur, ambivalence de l'âme, humanité forcenée... A l'heure où ses lignes sont écrites, la 2ème sélection du prix Goncourt semble accréditer l'idée que ces mots là ont encore un sens dans le paysage romanesque contemporain.

"La Légende de nos pères", de Sorj Chalandon (Grasset). Coup de projecteur avec l'auteur ce jeudi 8 octobre à 8h30, 11h30 et 16h30

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