Direct
SANTIAGO
RODRIGO RECABARREN

La Conspiration du Caire

Le samedi 26 novembre 2022, par Laurent Sapir
Bastion sunnite surveillé de près par le pouvoir égyptien, la nébuleuse université Al-Azhar avait de quoi inspirer un propos plus dense que l'aimable thriller aseptisé qui advient à l'écran.

Présenté au festival de Cannes où il a obtenu le prix du scénario, Boy from Heaven-L'enfant du Paradis- a été rebaptisé La Conspiration du Caire à l'occasion de sa sortie en salles. Manière habile d'accentuer la touche thriller du récit tout en faisant le lien avec le très remarqué Le Caire Confidentiel, précédent film du réalisateur d'origine égyptienne Tarik Saleh. Pari gagné tant le film a déjà rencontré son public alors qu'il est exclusivement distribué en version originale, et que son metteur en scène est peu "bankable" géographiquement parlant.

Rien de très original pourtant à l'écran, à commencer par la reprise d'un schéma initiatique mille fois abordé, celui du jeune innocent (il s'appelle Adam, évidemment...) plongé dans un panier de crabes. Un panier nommé Al-Azhar, cette université islamiste du Caire surveillée de près par le pouvoir égyptien. Bastion névralgique d'un sunnisme millénaire, Al-Azhar se veut le diffuseur d'un Islam éclairé face aux idéologies salafistes et djihadistes tout en étant plus ou moins infiltré par des gens peu scrupuleux, des Frères Musulmans à l'appareil policier égyptien.

Le jeune étudiant aux mains propres qui est cœur du récit n'en ressort pas indemne. Utilisé par le pouvoir autoritaire du maréchal Al-Sissi à l'occasion de l'élection d'un nouveau cheikh, le voici trimbalé d'un courant islamiste à l'autre dans un canevas narratif aussi efficace que convenu. On ne s'ennuie pas, certes, et la charpente bâtie par Tarik Saleh a de l'allure même s'il pousse le bouchon un peu loin en disant s'être inspiré du Nom de la Rose. Le roman d'Umberto Eco et son adaptation cinématographique par Jean-Jacques Annaud avaient tout de même une autre allure.

On espérait surtout, outre un scénario plus vraisemblable, un propos autrement plus dense et plus éclairant dès lors qu'il était question de cette nébuleuse université du Caire avec tous ses aspects de poudrière géopolitique. Son fonctionnement exact, son rapport avec certains régimes étrangers, le déroulé des cours, les relations complexes -et pas uniquement conflictuelles- entre les différents courants qui la constituent... Autant de problématiques regrettablement éludées par Tarik Saleh qui se la joue un peu ici Clausewitz du pauvre sur le thème: la religion est la poursuite de la politique par d'autres moyens. Un peu court, jeune homme...

La Conspiration du Caire, Tarik Saleh, prix du Scénario à Cannes (le film est sorti il y a un mois)

 

 

Partager l'article
Les dernières actus du Jazz blog