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HEAVY HEART
CARLA BLEY / WOLFGANG PUSCHNIG

La Chaleur

Le dimanche 25 août 2019, par Laurent Sapir
Un camping dans les Landes, le soleil qui écrase tout, un adolescent qui refuse de jouer le jeu... Au carrefour de "L'Attrape-cœurs", "Feu Follet" et "La Nausée", Victor Jestin signe un premier roman prometteur.

Le balnéaire l'assomme, surtout à haute température. Sur sa peau et jusque dans ses os, "le soleil grésille comme une grosse ampoule ". La piscine ? "Un étang immonde ", sans oublier cet animateur déguisé en lapin rose ou encore ces tubes pop infects qui défilent en boucle dans les hauts-parleurs. "Premier sourire du jour, forçant comme au cutter ma bouche à se renverser "... Ainsi végète Léonard, ado désœuvré traînant son mal-être dans un camping des Landes. 17 ans, cet âge horrible, surtout face à l'injonction vacancière au bonheur formaté, danse et drague obligatoires, "rangs serrés vers la joie "...

Quelques sueurs froides en supplément, et c'est un beau personnage de premier roman qui naît sous la plume de Victor Jestin, un Nantais de 25 ans doué d'une sacrée force d'écriture. Un soir, Léonard surprend un autre jeune du camping étranglé par les cordes d'une balançoire. Suicide ? Accident ? Plutôt que de prévenir les autres, l'ado mal dans sa peau culpabilise et enterre le cadavre au milieu de la plage. Gueule de bois, le lendemain. Tension croissante, lorsque le disparu est signalé aux autorités. Naissance d'un désir, également, lorsque surgit Luce, la fille au paréo rouge. La veille encore, elle échangeait un baiser avec l'étranglé de la balançoire.

Au gré des pages et de la sourde tension que le jeune romancier parvient à maintenir, surgit le fantôme d'Holden Caulfield, le célèbre héros de L'Attrape-cœurs de Salinger... Un Caulfield qui aurait lu à la fois L'Étranger et La Nausée, ou alors qui aurait croisé le désespéré de Feu Follet si peu en phase, lui aussi, avec le monde qui l'entoure, mais dont les derniers moments restent malgré tout essaimés de quelques points lumineux.

Derrière le spleen, une époque transparaît. Comme Louis, le meilleur ami du personnage principal, on fantasme sur Tinder malgré une sexualité incertaine ("Son téléphone gisait, vidé de filles à aimer...) ou alors, pour mieux faire passer la pilule d'une étreinte sans lendemains, on s'en sort avec un "Je vais t'ajouter sur Facebook"... La Chaleur, c'est aussi ces coups de froid en plein cœur.

La Chaleur, Victor Jestin (Editions Flammarion) 

 

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