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Dernier Désir

Le mardi 25 février 2014, par Laurent Sapir

Perverse homonymie au bord du canal du Berry. Le nouveau voisin s'appelle en effet Vladimir Martin, ce qui est plutôt drôle, à priori, pour ces autres Martin que sont Jonathan et Mina, deux babas cool qui, jusque là, se croyaient seuls au monde dans cette maison d'éclusier où ils se sont installés avec leur gamin pour fuir la fourmilière parisienne, l'hystérie des caddies et des embouteillages ainsi que "les eaux troubles de cet obscur désir de l'objet".

Nos deux belles âmes auraient du prêter plus d'attention, non pas au nom, mais au prénom du nouveau venu. Ce Vladimir, il n'aurait pas quelque chose à voir, par hasard, avec le fameux Vlad de Dracula ? Et ne retrouve-t-on pas aussi, dans le roman de Bram Stoker, deux innocents fiancés prénommés, justement, Jonathan et Mina ? Cet arrière-plan "vampirisant" fonctionne en tout cas de main de maître sous la plume d'Olivier Bordaçarre dont on avait beaucoup aimé Régime Sec, il y a quelques années.

Caméléon pour le moins détraqué, Vladimir colonise l'univers de ses voisins, se bâtit la même maison qu'eux - la même discothèque de blues également- et les couvre de cadeaux. Il prend aussi un malin plaisir à imiter le look de Jonathan jusqu'à lui ravir sa compagne en mal de sensations fortes. On n'en sait guère plus sur ses motivations précises, sauf à voir en lui un être que le désir a déserté et qui ne survit qu'au gré de rencontres lui permettant de dévorer les gens, tel ce système auquel Jonathan et Mina pensaient avoir échappé.

Au gré d'une mécanique narrative de plus en plus infernale, Olivier Bordaçarre nous laisse rêveur sur la fragilité des couples. Celui qui se détruit sous nos yeux paraissait pourtant indestructible, et ce n'est pas sans avoir en tête l'image du poisson qui happe l'air lorsqu'on le sort de l'eau qu'on voit ce pauvre Jonathan se débattre dans le marais saumâtre de son nouvel enfer familial. Les grands et terriens bluesmen du Mississippi, dés lors, ne lui sont plus d'aucun secours, comme si le seul échappatoire était de vendre son âme au diable façon Robert Johnson...

Dernier Désir, Olivier Bordaçarre (Fayard). Coup de projecteur avec l'auteur, ce mercredi 26 février, sur TsfJazz, à 12h30.

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