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Dans la chaleur de la nuit

Le samedi 05 mai 2012, par Laurent Sapir

Deux hommes en colère mettent toutes leurs tripes dans "In The Heat of  the Night" ("Dans la chaleur de la nuit"), réalisé par Norman Jewison en 1967 et qui ressort en salles le 9 mai prochain. Colère, tout d'abord, de Sidney Poitier. En endossant le rôle de Virgil Tibbs, ce policier confronté au meurtre d'un industriel blanc dans une petite ville sudiste des Etats-Unis, la première star black  du cinéma américain tourne le dos aux rôles un peu mièvres, parfois, auxquels il était habitué et qui l'avaient isolé des franges les plus radicales de la communauté afro-américaine. 

Son "They call me Mr Tibbs !" devient très vite une réplique-culte, au même titre qu'une autre séquence absente du scénario initial, à savoir la fameuse baffe que notre ami Virgil administre au propriétaire de la riche plantation de coton qui s'était permis de le gifler... L'autre homme en colère, c'est Quincy Jones. Malgré de brillantes B.O. déjà son actif, parmi lesquelles celle du premier film de Sidney Pollack, "The Slender Thread" (ou "Trente minutes de sursis"), l'ancien sideman de Lionel Hampton sait qu'aux yeux des pontes d' Hollywood il n'est qu'un "pauvre" musicien black qui n'aura jamais l'étoffe suffisante pour devenir l'égal d'un Bernard Herrmann ou d'un Elmer Berstein...

La partition de "Dans la chaleur de la nuit" résonne encore, de nos jours, comme la cinglante réponse de Quincy à ceux qui lui déniaient son inventivité musicale. Le hit faussement suave de Ray Charles au générique est une fausse piste. Les sonorités moites,  la flûte enragée et solitaire de Roland Kirk et les mélanges envoûtants de percus et de guitare électrique qui suivent vont contribuer avec brio à faire monter la température d'un thriller par ailleurs fort bien conduit. La mise en scène de Norman Jewison est d'ailleurs au diapason de ce qui la contextualise.

Alternant accélérations brutales de tempo et courtes séquences à vocation documentaire sur les conditions de vie des Noirs dans les derniers îlots post-esclavagistes des sixties, le réalisateur de "L'Affaire Thomas Crown" anticipe, à sa manière ( presque faulknerienne par moments)  la vague du néo-polar américain qui déferlera dans les années 70. Le flic blanc magistralement joué par Rod Steiger, à la fois à la limite de l'odieux et en même temps de plus en plus décalé par rapport au racisme de sa communauté, est lui aussi en avance sur son temps. Ironie de l'histoire, il porte le même nom que le plus célèbre trompettiste noir de l'épopée be-bop...

"Dans la chaleur de la nuit", de Norman Jewison (Reprise en salles le 9 mai grâce à Solaris Distribution)... A suivre, "Les Lundis du Duc", sur TSFJAZZ, le lundi 14 mai à 19h, autour de la représentation des Noirs dans le cinéma US. 

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