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HAROLD MABERN / GREGORY PORTER

Cosmopolis

Le dimanche 27 mai 2012, par Laurent Sapir

Tout en acier trempé, le "Cosmopolis" de David Cronenberg ne se porte pas seulement à la hauteur du puissant roman de Don DeLillo dont le film est la fidèle adaptation. Il en est aussi une captivante excroissance  dépouillée du moindre à-plat bassement illustratif comme c'était hélas le cas dans "A Dangerous Method" , le précédent opus du cinéaste.

C'est un film-machine, comme le sont les meilleurs films de Cronenberg, à l'image de cette limousine high tech peu à peu maculée au fil du récit, vestige allégorique d'une bulle financière déconnectée du réel. Elle ne roule pratiquement plus, la limousine, bloquée à deux à l'heure dans un embouteillage-monstre au cours duquel un golden boy au bord de la faillite entraperçoit, à travers les vitres fumées de son engin -c'est évidemment le coup de génie de  la mise en scène- des émeutes et autres symptômes d'un monde en plein chaos mais dont la perception est immédiatement filtrée, comme une sorte d' écho ouaté.

C'est Robert Pattinson, ex-vampire pour midinettes version  "Twilight", qui incarne ici un suceur de sang d'un tout autre acabit. Avec son masque de cire vaguement cocaïné et sa lissitude faussement désincarnée, l'acteur s'en tire avec brio, y compris lorsque le monstre froid  se cherche une âme, à la faveur d'une très charnelle coupe de cheveux ou alors d'un diagnostic bien mystérieux à-propos d'une prostate asymétrique, lui qui raffole tant des courbes égales et des comptes ronds.

Musclé par les fulgurantes saillies politico-métaphysiques de Don DeLillo sur notre monde cyber-capitaliste, "Cosmopolis" ne se noie pourtant jamais dans sa propre logorrhée. Il est vrai que le spectateur est d'abord happé par la mise sous tension du film jusqu'au face-à-face mortifère entre le jeune financier et son double aux traits immondes, tel Dorian Gray face à son portrait pourrissant. Livide et spectral -comme le capitalisme qui hante le monde de DeLillo- "Cosmopolis" fait penser à cette chapelle (ardente ?) remplie de tableaux que l'anti-héros du film veut acheter d'un bloc. En ce qui concerne Cronenberg, on peut parler d'une toile de maître.

"Cosmopolis", de David Cronenberg, sélection officielle du festival de Cannes (Le film est sorti en salles le 25 mai)

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