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Bernadette Lafont, "jupe flottante et sans jupon"...

Le jeudi 25 juillet 2013, par Laurent Sapir

La Maman et la Putain. Ou plutôt l'inverse. Bernadette Lafont fait d'abord commerce de son corps vengeur dans "La Fiancée du Pirate" (1969), de Nelly Kaplan, avant d'incarner une figure tout aussi sexy mais un brin plus maternelle dans le tsunami amoureux de Jean Eustache, quelques trois ans plus tard. Deux films, deux manifestes, et elle, au milieu, exaltante, exultant, mais aussi "immobile, effondrée, amère, attendant la nuit", comme l'écrivait Jean-Louis Bory au sujet de  son personnage dans "La Maman et la Putain"...

La Nouvelle Vague l'aura à contrario fantasmée sur le mode solaire. Trop canon pour la jouer androgyne façon Jean Seberg, ou alors muse universelle version Jeanne Moreau, Anna Karina et Marie-France Pisier, la voilà roulant à bicyclette, "jupe flottante et assurément sans jupon" dans "Les Mistons", premier court-métrage de François Truffaut.

Claude Chabrol prend la relève ("Le Beau Serge", "Les Bonnes Femmes", "Les Godelureaux"...), Truffaut en remet une couche dans "Une Belle Fille comme moi", acharnée à ne pas lâcher celle dont il disait qu'elle était "l'actrice la plus bandante du cinéma français". Dans ce dernier film, Bernadette Lafont prouve définitivement qu'on peut être crue sans être vulgaire. Elle sera, au final, ce que les "Jeunes Turcs" des Cahiers du Cinéma auront filmé de plus charnel et de plus acidulé. Voix chaude et gouailleuse, elle n'a rien d'une mijaurée... Un "Bardot nègre", suggère l'écrivain Hervé Guibert.

Elle est la liberté, surtout, mutine et mutinée contre tous les plans de carrière qui dérogent à l'esprit d'aventure. Elle préfère tourner comme bon lui semble. Aider des jeunes cinéastes, parfois des jeunes tâcherons. Foutre le camp. Lâcher le métier pour faire des gosses avec un sculpteur underground. Elle met au monde Pauline Lafont qui sera l'éternel regret du cinéma français.

Comme Marie Trintignant. Bernadette Lafont reprendra le dessus, le sourire un peu plus mécanique... "L'Effrontée" de Claude Miller lui a donné, anyways, le goût d'un cinéma populaire de qualité. Et puis sa soif de rencontres ne s'est pas éteinte, comme le prouve cette affiche partagée avec un certain Miles Davis dans une curiosité australienne judicieusement baptisée "Dingo !"... C'est dans sa région nîmoise natale qu'elle s'en est allée, un jeudi de juillet, ce mois des jupes flottantes et assurément sans jupon.

Bernadette Lafont (28 octobre 1938-25 juillet 2013)

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