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Bérénice (aux labos d'Aubervilliers)

Le jeudi 18 juin 2009, par Laurent Sapir

Des bannières collées avec du scotch, des grandes tables à l'extérieur où l'on peut picorer quelques cerises, un metteur en scène qui lance à la cantonade  "bienvenue au théâtre"... Aux laboratoires d'Aubervilliers, on se croirait presque dans une usine en grève au temps du Front Populaire. Gwenaël Morin et sa troupe y ont installé depuis le début de l'année un théâtre permanent,  gratuit et propice à une ruée de bobos au-delà du périph'.

Ce soir là, on joue "Bérénice ", de Racine, ou plutôt un best-of de   "Bérénice ". Gwenaël Morin taille dans le vif, concentrant son attention et celle du public sur la triade Titus-Bérénice-Antiochus... Elagué, donc, le Racine. Et aussi un peu "déraciné"... L'affaire est menée avec un punch d'enfer, l'acteur qui joue Antiochus a des évanouissement et des emportements  admirables, mais on a un peu l'impression de perdre quelque chose en route.

Il y a quelques mois déjà, au théâtre de la Bastille, Gwenaël Morin nous avait donné une version néo-punk de la pièce de Camus, "Les Justes "... Dans "Bérénice ", ce qui tient lieu de décor, à savoir pas grand chose, finit là aussi par partir en lambeaux au fur et à mesure que le jeu des comédiens passe de l'acoustique à l'électrique... Cette conception "organique" de la représentation peut aussi produire de très belles choses sur un mode plus feutré, mais aux Labos d'Aubervilliers, on a plutôt l'air de préférer le gros feutre au feutré... Pour illustrer, par exemple, la tragédie de la parole et le pouvoir destructeur des mots dans la pièce de Racine, les comédiens entonnent, juste avant le dernier acte, le saucisson eighties "Words don't come easy ", de FR David.

On pourra dire ce qu'on veut de ce type d'aventure, mais on ne pourra pas nier que le théâtre est d'abord considéré ici comme un spectacle vivant. On ne pourra pas non plus se départir d'un certain sentiment d'aération alors que tant de salles parisiennes ronflent sur le mode renfermé, déclamatoire et chiant, avec à la fin des gens qui applaudissent poliment tout en veillant à ne pas froisser leur costume de soirée...  Aux Labos d'Aubervilliers, ça pulse autrement. La troupe joue tous les soirs, elle répète tous les jours et elle anime en continu des ateliers de transmission. A la fin de "Bérénice ",  des jeunes blacks applaudissent à tout rompre en frappant des pieds, comme s'ils étaient au concert. Un peu malgré soi, on cède alors à l'enthousiasme ambiant.

"Bérénice", mis en scène par Gwenaël Morin... Reprise à partir du 1er juillet aux Laboratoires d'Aubervilliers.

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