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PONCHO SANCHEZ

Le "soleil neuf, tout bleu" de Lee Konitz

Le jeudi 16 avril 2020, par Laurent Sapir
Lee Konitz l'insaisissable... Emporté par le Covid-19 à l'âge de 92 ans, l'altiste américain était d'abord un inlassable explorateur dont les choix musicaux devaient autant à l'amitié qu'à la sensibilité harmonique.

Art du contrepoint, improvisations diaphanes mais dont le grain s'accentuera par la suite, explorations en mode duo de préférence... Insaisissable Lee Konitz que le Covid-19 vient de nous enlever. Avec ce natif de Chicago profondément influencé au départ par le pianiste aveugle Lennie Tristano, le jazz était décidément plus que jamais un vecteur d'échappement à soi-même.

Certes, il y a ce courant "cool" qui lui est associé au début de son parcours avec notamment la fameuse épopée Birth of the Cool de Miles Davis fin des années 40. Malgré les reproches de certains, ce dernier ne regrettera jamais d'avoir engagé un saxophoniste blanc. Juif de surcroît. Ils se retrouveront, pourtant, sur l'album Miles Ahead en 1957. Dans le même registre, Lee Konitz converse avec Gerry Mulligan et fréquente Stan Kenton.

Sauf qu'il est déjà ailleurs, y compris sur le plan géographique au travers de fréquentes incursions européennes. Ses libertés avec les canons stylistiques du be-bop lui ont forgé une réputation d'altiste post-parkerien. En réalité, il est d'abord en-dehors des modes, tout sauf suiviste, avant-gardiste avant d'autres avant-gardes. Le hard-bop de la même époque nous est tellement plus familier et plus jouissif d'une certaine manière, mais la puissance et l'émotion ne sont pas non plus absentes, au-delà de leurs versants angulaires, dans le phrasé de Lee Konitz.

En témoigne cette sonorité spectrale sur le Lotus Land de Kenny Burrell en 1964 (toujours en duo puisque Steve Lacy est aussi de la partie...) sous la direction de Gil Evans, ou encore sa reprise de Just Friends en 1974 dans Satori  (Milestones) aux côtés de Jack DeJohnette, Dave Holland et Martial Solal.... Solal qui lui fut si proche. Quelques mois à peine les séparaient. Huit ans plus tard, Lee Konitz devenait après Charles LLoyd le deuxième géant du jazz américain à rencontrer Michel Petrucciani dans Toot Sweet (Owl Records). "Tout est encore impossible, écrivait alors Alain Gerber dans ses notes de pochette, puisqu'ils ne se disent rient et font, dans ce vibrant silence, dans ce cristal lustre, monter un soleil neuf, tout bleu".

Lee Konitz (13 octobre 1927-15 avril 2020) 

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