U comme URSS. Figure centrale du jazz, Louis Armstrong était forcément amené à en être le meilleur ambassadeur. Il n'a pourtant jamais joué dans la Russie communiste où il était pourtant attendu en 1957 à l'initiative du département d'État. On était alors en plein dégel entre Moscou et Washington, mais voilà qu'au cœur de l'Arkansas, à Little Rock, neuf lycéens noirs sont interdits d'entrée dans un établisssement réservé aux Blancs. Armstrong explose. Plutôt conciliant jusqu'ici, le voilà qui accuse dans une interview le président Eisenhower de manquer de "tripes" avant d'annuler purement et simplement sa tournée en ex-URSS. Einsenhower enverra finalement la garde fédérale escorter les écoliers noirs de Little Rock, mais les Russes, eux, devront se faire une raison: ils ne pourront jamais applaudir "tovaritch" Armstrong.
V comme Vibrato. "Le vibrato d'Armstrong est de type vocal", écrit André Hodeir dans son essai, Hommes et problèmes du jazz. En d'autres termes, sa sonorité à la trompette serait l'adaptation instrumentale d'un vibrato conçu pour la voix. Une voix chaude, voilée, parfois rugueuse, qui lui vient paradoxalement d'un pépin de santé. Le trompettiste souffre en effet d'un œdème des cordes vocales et d'une hypertrophie de ce que les médecins appellent les "fausses cordes vocales", situées en haut du larynx. Cette voix particulière lui servira en tout cas à sublimer un répertoire populaire tout en participant à l'essor du scat lorsqu'en 1926, alors que les partitions lui sont tombées accidentellement des mains, il improvise à sa manière sur le morceau Heebie Jeebies. Ce sera son premier succès discographique.
W comme What A Wonderful Word. Le bonheur est une idée subversive. Surtout quand il est chanté par Armstrong dans What a Wonderful World. Jugée peu en phase avec l'ambiance post-11 septembre, cette chanson sera interdite en 2001 par une compagnie amércaine possédant plus d'un millier de stations de radio. Armstrong en aurait souri, de cette censure. Déjà, en 1967, lorsque Bob Thiele et George David Weiss lui offrent What a Wonderful World, il infuse de toute son ironie ce que de telles paroles peuvent avoir de mielleuses alors que son pays est infecté de racisme et de napalm- celui que les États-Unis larguent au même moment sur les Vietnamiens. C'est d'ailleurs dans le contexte plus explicite de Good Morning Vietnam, le film avec Robin Williams, que What A Wonderful World connaîtra un autre succès quelques deux décennies plus tard.
X comme Xénophobie. Quand la passion pour Armstrong devient un manifeste antiraciste... C'est bien tout le sens de la célèbre chanson de Claude Nougaro, Armstrong, dont Maurice Vander signe les arrangements en 1965. S'adressant au trompettiste comme à un frère, Nougaro pose ses propres mots sur le biblique Go Down Moses que Satchmo avait interprété sept ans auparavant dans son album de "negro spirituals", Louis & The Good Book. Les paroles, quant à elles, sont une ode à la tolérance qui tourne en dérision les préjugés racistes, notamment dans le dernier couplet, quand Nougaro écrit qu' "Un jour, tôt ou tard/ On n'est que des os/ Est ce que les tiens seront noirs ?"... Et il ajoute: "Au-delà de nos oripeaux/Noir et Blanc sont ressemblants/Comme deux gouttes d'eau."
Y comme You Rascal You. Duo d'enfer que ce You Rascal You -Vieille canaille, en français- qui réunit durant l'été 1950 Louis Armstrong et Louis Jordan. C'est le producteur Milt Gabler qui les rassemble et les entoure du Tympany Five, la formation survoltée avec laquelle Louis Jordan a déjà signé toute une série de hits R&B qui ont rendu Armstrong un peu jaloux. Ces deux-là, qui se connaissent depuis le début des années trente, sont restés en même temps bons amis. Résultat: un festival de swing et de joie, de riffs et de réparties, avec pour couronner le tout une note aiguë qu'Armstrong ne lâche pas pendant plus de 10 secondes avant de la faire glisser dans un registre encore plus aigu. Par la suite, la carrière de Louis Jordan va rapidement décliner. Armstrong, en revanche, a encore de belles années devant lui.
span class="">Z comme Zutty Singleton. En patois créole, "mignon" se traduit par "zutty", mais au-delà de ce surnom, le batteur qui accompagne Louis Armstrong en 1928 lors des sessions légendaires du Hot Five à Chicago possède bien d'autres vertus. Moins démonstratif que Baby Dodds, le monstre sacré de la batterie néo-orléanaise, Zutty Singleton est d'abord un constructeur qui sait moduler ses interventions au service des solistes. Trait d'union entre la tradition de la Nouvelle-Orléans et une approche plus moderne, on le retrouve plus tard dans le film Stormy Weather où il stupéfait Fats Waller avec un sacré solo sur Ain't Misbehavin'. Son inclination pour le jazz traditionnel , enfin, ne l'a pas empêché d'enregistrer avec un certain Charlie Parker qu'il considérait comme le "plus grand" des musiciens de jazz.