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PONCHO SANCHEZ

Les Misérables

Le samedi 16 novembre 2019, par Laurent Sapir
Le drone, la BAC et le lionceau. Scotché par l'énergie, la construction et la densité de ces "Misérables" qui est loin d'être le énième film attendu sur la banlieue. Spike Lee est Français. Il s'appelle Ladj Ly.

-"Je suis tombé par terre..."

-"C'est la faute à qui ?"

-"La faute à personne..."

Nous en sommes là. Atteint par un tir de flash-ball, un gamin métis reprend inconsciemment à son compte la formule de Gavroche alors que les trois policiers bien penauds qui l'ont défiguré exigent de lui une autre version des faits. "Je suis tombé par terre"... Sauf que cette fois, la faute n'incombe plus à Voltaire.

Poignant trait d'union avec le roman de Victor Hugo dans un Montfermeil où après la maison des Thénardier, c'est désormais la cité des Bosquets, même sans ses barres vétustes d'autrefois, qui conjugue toutes les injustices. Ainsi Ladj Ly étoffe-t-il avec intensité, dans ce premier film, son court-métrage de 2017. Ce n'est pas un énième ersatz de La Haine. Encore moins un pieux recueil de clichés manichéens sur le thème pourtant si actuel des violences policières. Comme chez Hugo, les Misérables sont partout.

Ces trois policiers, par exemple... L'un d'eux a tous les traits, certes, de la grande gueule raciste et vantarde, mais Ladj Ly le montre aussi hyper intégré au quotidien de la cité. Les deux autres "Bacqueux" (le Black considéré comme un traître, le novice tout aussi réservé...) ont une autre histoire, un autre tempérament. À ce point bariolée, cette équipe de policiers va se coltiner des événements tout aussi hétérodoxes au regard de l'ordinaire d'une cité, à commencer par un vol de lionceau dans un cirque tenu par des Gitans.

Une Bac, un lionceau, mais aussi un drone qui enregistre ce qui ne doit pas l'être... D'un tel cocktail Ladj Ly fait chaudron, transformant la cité en fourmillière et faisant résonner, sans jamais choisir son camp, diverses micro-sociétés qui tentent de réguler ses spasmes tout en se neutralisant: ex-détenus, islamistes, shérif local (le "maire") qu'on ne saurait confondre avec un quelconque "grand frère"...

La mise en scène, dès lors, qu'à plus qu'à orchestrer un final à la Do The Right Thing, les pointillés en plus, n'hésitant pas au passage à conférer à son Gavroche "tombé par terre" une aura christique inattendue. Sans oublier ces mots de Hugo à la fin: "Il n'y a ni mauvaises herbes, ni mauvais arbres. Il n'y a que de mauvais cultivateurs". En attendant, la graine d'un très grand cinéaste est semée.

Les Misérables, Ladj Ly, Prix du Jury à Cannes (Sortie en salles ce 20 novembre). Coup de projecteur le même jour avec le réalisateur, sur TSFJAZZ, à 13h30.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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