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A Certain Trip

Le mardi 16 juin 2020, par Laurent Sapir
Dans la foulée d'une bande-son résolument galactique, Guillaume Perret démontre avec brio, au gré de son nouvel album, "A Certain Trip", à quel point une sorte de jazz des grands espaces, ciel et terre réunis, lui sied à merveille.

Bien trop exigeant pour se draper dans la mythologie des créations ex nihilo, Guillaume Perret a tout simplement signé l'un de ses disques les plus envoûtants en reconfigurant les morceaux qui composaient la bande-son de 16 Levers de soleil, un documentaire de 2016 sur l'odyssée de Thomas Pesquet à bord de la Station spatiale internationale. Le résultat est au diapason du titre de l'album, A Certain Trip, greffant une nouvelle énergie de groupe sur l'art singulier d'un guerrier du saxophone.

Depuis l'épopée The Electric Epic dont Open Me avait marqué l'apogée, on en connaît les ingrédients: Guillaume Perret hypnotise et électrise son instrument. À coup d'effets de pédale, il en démultiplie la matière au gré d'une sonorité qui peut aussi bien rugir que prendre des couleurs plus voluptueuses, même si son biotope psychotrope reste inchangé. Il suffit dès lors que le courant passe avec de nouveaux complices, un bassiste en cavale comme Julien Herné par exemple, ou encore un claviériste mangeur d'étoiles tel Yessaï Karapetian et un batteur du tonnerre dans tous les sens du terme comme Martin Wangermée pour que le trip en question soit à la hauteur de ses intentions.

Des plages d'une densité bluffante en constituent les étapes-choc. Davantage immergé dans les gouffres marins qu'en apesanteur galactique, les 12 minutes de Poseidonis vous emportent dans une Olympe de ténèbres. Les limbes de féminité et la puissance opératique de Gulliver rappellent le Gainsbourg de la période Melody Nelson/L'Homme à tête de chou. Un roulis de saxophones -alors qu'il n'y en a qu'un seul- tamise Into the Infinite après son intro toute en délicatesse.

Des rythmes africains ou orientaux balisent d'autres morceaux. La voix d'un rappeur se glisse dans l'ultime plage baptisée Peace. Sur scène, ce sera certainement dantesque. En attendant, le déconfinement décoiffe enfin à l'écoute de cet album hors norme et hors pair avec ses propositions "sans cesse re-challengées, aires d'envol, ruptures et pistes brouillées", comme le dit lui-même Guillaume Perret. Un jazz des grands espaces, en somme, et pas seulement ceux qu'affectionne Thomas Pesquet.

A Certain Trip, Guillaume Perret (French Paradox)

 

 

 

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