Pauvres créatures
Dans "Pauvres créatures", Lion d'or à Venise, Yorgos Lanthimos entraîne Emma Stone dans un conte gothique particulièrement vulgaire et boursouflé.
Mauvaise pente toujours plus prononcée pour Yorgos Lanthimos. Après l'atypique The Lobster qui finissait hélas par partir en vrille, le réalisateur grec sombrait bien plus rapidement dans la posture et l'ennui à travers sa plombante Mise à mort du cerf sacré. De facture plus légère, La Favorite n'aura guère laissé de souvenirs plus vibrants malgré son cocktail de hip hop et de clavecin en guise de soirée dansante. Pauvres créatures pourrait en revanche faire date tant cette baudruche outrancièrement stylisée jette une lumière crue sur les impasses d'un cinéaste étonnamment surcoté.
Pauvres créatures... Pauvre Emma Stone, surtout, embringuée ici dans une variation de Frankenstein façon #MeToo. La voici, en pleine ère victorienne, dans la peau d'une jeune noyée ramenée à la vie, mais avec le cerveau de l'enfant qu'elle portait au moment de son suicide. Echappant à son créateur, un docteur déjanté (William Dafoe), la "baby girl" au corps de femme s'égaie dès lors dans la nature, découvrant le sexe aux côtés d'un avocat escroc (Mark Ruffalo) avant de s'émanciper dans la nymphomanie et la prostitution. À chacun d'apprécier la portée féministe du message.
Une esthétique particulièrement criarde enrobe cette fable gothique que la misanthropie de Lanthimos rend encore plus malsaine. Couleurs clinquantes, images déformées comme si elles étaient vues à travers un objectif à très grand angle (le fameux effet "fish-eye")... Le geste cinématographique peut sembler gonflé, mais au final, c'est surtout son aspect ostentatoire qui saute aux yeux, ne serait-ce qu'au regard d'un propos qui fait de moins en moins sens. Au contraire, l'effluve vulgaire de ce qui s'avère n'être qu'un gadget filmique empeste de plus en plus l'écran. Autant dire que cette improbable rencontre entre Tim Burton et Bertrand Blier ne méritait vraiment pas le Lion d'or à la dernière Mostra de Venise.
Pauvres créatures, Yorgos Lanthimos, Lion d'or à Venise (Sortie en salles ce mercredi 17 janvier)