Maestro vs Saltburn
Entre le déprimant "Maestro" de Bradley Cooper et le déjanté "Saltburn" d'Emerald Fennell, Prime Video bat Netflix à plate couture en cette période des fêtes.
Fils d'immigrés ukrainiens engagé contre le maccarthysme, soutien des Blacks Panthers mais aussi héros de la "coexistence pacifique" lorsqu'il s'en va diriger une symphonie de Chostakovitch à Moscou en 1958, Leonard Bernstein a incarné une certaine idée de l'Amérique. Son syncrétisme musical en a également fait une figure d'exception. Classique, jazz, pop... Le célèbre compositeur et chef d'orchestre se défiait des étiquettes jusqu'à signer une œuvre universelle, West Side Story. Il ne reste plus grand chose d'un tel CV, hélas, dans le biopic réalisé et interprété par Bradley Cooper pour Netflix.
Le scénario, de fait, ne retient que la bisexualité de Bernstein et sa rencontre aussi passionnelle que plus ou moins contrariée avec Felicia Montealegre, une jeune comédienne de théâtre dont l'importance dans le récit tend à nous faire croire que c'est elle qui est au cœur du biopic. Malgré la sensibilité de Carey Mulligan dans ce rôle, c'est un ennui poli, puis une franche déprime au regard du destin tragique de Mme Berstein, décédée d'un cancer à 56 ans, qui accompagnent notre découverte de ce Maestro. Les quelques effets de mise en scène, laquelle glisse du noir au blanc à la couleur tout en multipliant les raccords entre scène privée et scène publique, ne dissipent pas la lourdeur d'un ensemble mêlant esbroufe et vacuité. Pour ne rien arranger, West Side Story n'est cité que de manière anecdotique.
En quête de flamboyance, la plateforme concurrente (Prime Video), ravit bien mieux nos espoirs avec le gothique et baroque Saltburn de l'actrice-réalisatrice Emerald Fennell. Vampirisant sans prétention mais avec panache le motif pasolinien de Théorème, elle nous emmène sur les traces d'un boursier d'Oxford séjournant dans la luxueuse propriété familiale d'un étudiant bien plus riche dont il semble singulièrement être épris. Un jeu de massacre étonnamment bien stylé se met alors en place, et avec des ressorts qui transcendent une banale satire des ultra-riches.
Repéré en idiot du village dans le surestimé Banshees d'Inisherin, Barry Keoghan trouve ici toute sa démesure en mode sexe, drogue et rock'n roll tandis que l'objet de son désir, Jacob Elordi, crève effectivement l'écran. Belle surprise par ailleurs que de retrouver dans cette danse macabre colorée à souhait Rosamund Pike (Gone Girl) en maîtresse de maison foldingue, ainsi que... Carey Mulligan ! Mais oui, la revoilà, plutôt en mode apparition, certes, mais bien plus saisissante que chez Bradley Cooper dans la peau quelque peu amochée d'une amie de la famille pour le moins excentrique.
Maestro, Bradley Cooper (actuellement sur Netflix), et Saltburn, Emerald Fennell (Prime Video)